Gravillon

Il y a parfois de ces moments où on a l’impression d’être hors du monde ou d’appréhender un état autre de la réalité. Mais ne nous le cachons pas, c’est souvent quand on a picolé.

Bin tiens justement, ce WE, j’étais en Vendée pour l’enterrement de vie de garçon de mon beauf et de ma belle sœur. Samedi Soir, en soirée (fort sympathique au demeurant), l’alcool commençait à faire son effet et vint le moment du repli stratégique du vieux mâle vers l’extérieur, la clope dans une main et le verre en plastoc de l’autre. Expliquons déjà ce premier concept de repli.

Dans nos sociétés zoccidentales zet éthylophiles, la résistance à l’alcool chez le sujet de type masculin est un facteur de reconnaissance sociale. On tient l’alcool, que même pas bourré, que pas besoin de m’assoir, que pas besoin de noyer le Ricard avec trop d’eau. CA c’est la théorie mais il y a la pratique. Selon l’âge, le niveau d’incubation ou la personne, on est tous amené à réaliser le “Repli stratégique”.

Ce repli ne s’avoue surtout pas. Tout est bon pour nier la véritable raison de celui ci : “je vais pisser”, “ah je supporte pas cette chanson”, “je vais fumer une clope”, “je vais chercher un truc dans la bagnole”, “ah un appel de mon percepteur”. Si vous avez vos propres astuces, n’hésitez pas à les mettre en commentaire.

Une fois l’alibi trouvé, On peut enfin relâcher la tension et faire péter la fatigue : Pour celui qui est allé pisser dans les chiottes, ça consiste en général à coller la tête sur le mur en face tout en pissant comme un balai posé dans un placard ou, plus conventionnellement de s’assoir sur la lunette. Et la, on profite de isolement, du relâchement musculaire tandis que le bruit sourd de la musique se fait entendre. On s’imagine que ces quelques instants permettront un reboot de la machinerie et qu’on ressortira fringant alors qu’en fait, on peut hésiter à y rester jusqu’à la fin de la soirée.

Pisser dehors a l’avantage de profiter de l’air frais qui réveille mais a le désavantage de mettre votre sens de l’équilibre à l’épreuve.

La sortie pour la clope est le meilleur compromis. On cumule l’air frais, le temps de la clope et l’isolement au bruit. Avec un peu de chance, on peut en plus poser son cul. On peut même aller pisser avant et sournoisement vider son verre par terre ni vu ni connu.

Voilà pour le concept. Tout ça pour dire que j’étais dehors, assis, que je fumais une clope et que je captais un peu les grillons. La lumière d’un spot rasant dessinait le relief des gravillons du bitume en autant d’iceberg sur une mer improbable. La tête baissée, on se perd dans le mouvement immobile des silhouettes et autres formes abstraites que notre esprit embrumé croit apercevoir. On suit les ballets erratiques de papillon de nuit, les ailes cramés par le spot, tentant désespérément de repartir pour retourner à la source de son calvaire. On croit apercevoir un objet insolite abandonnée de tous qui se révélera être un œillet détaché d’une chaussure.

Et c’est là que quelque peu déprimé, plein d’illusions philosophiques, on s’arrache de sa chaise pour retourner au combat. En plus, la clope ça donne soif….

 

 

 

 

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