L’eau émoi

Rêves.

Nous avons tous des rêves récurrents qui reflètent nos envies ou nos peurs profondes. Je ne parle pas de ceux qui vous font chuter indéfiniment ou monter un escalier sans atteindre le bout.

Je parle des rêves qui sont la personnalisation de nos désirs profonds ou de nos angoisses  existentielles.

Depuis tout petit je fais 3 rêves qui bouclent, rebootent et phagocytent mon sommeil.

  • je me balade dans une espèce de conglomérat d’habitations mais plutôt souterraine dont je cherche à sortir. J’erre de pièces en pièces, de rencontres en rencontres, de bizarreries en bizarreries. Cette architecture doit correspondre au méandre de mon subconscient et doit être une manière pour mon cerveau de conceptualiser des questionnements. Même si je me sens perdu et dans une quête sans fin, j’aime bien ce rêve.
  • La perte du pouvoir de voler. je rêve souvent que je peux voler par la force de la pensée. Mais plus le rêve avance, moins je peux m’élancer vers les cieux. Je suis obligé de faire de plus en plus d’effort de concentration pour quitter le sol. En général, je réussis à flotter à 10 cm du sol au prix d’un effort considérable. C’est d’une frustration énorme. Je vous laisse interpréter ça comme vous voulez 🙂
  • Le dernier est celui qui est plus apaisant, le plus jouissif et donc le plus frustrant au réveil. Je rêve souvent que je peux respirer sous l’eau. Je m’imagine immergé dans la quiétude la plus totale et j’arrive à respirer comme en plein air.   Je suis souvent au fond d’une piscine coupé des bruits de l’extérieur, me laissant flotter ou en position fœtale (tiens donc). Je fais aussi la même chose dans l’océan, nageant au gré des courants, dans le silence et les jeux de lumière, les vagues passant au dessus de moi. Il n’y pas tellement de rocher ou de bébêtes qui trainent. C’est l’aspect protecteur et relaxant qui ressort. Je me sens dans mon élément.

Rien d’original dans tout ça. Pourtant mes rêves aquatiques ont souvent croisés la réalité de mes excursions dans l’océan. il reste un refuge contre le bruit et l’extérieur quand je m’enfonce dans les eaux bleues.

Extérieur.

Cela avait pourtant mal commencé entre l’eau et moi. Je ne garde pas de bons souvenirs de ma période d’apprentissage de la nage. J’avais la bonne idée de fermer les yeux et de remuer les bras dans tous les sens en espérant m’en tirer, tandis que le maître nageur s’activait à me faire attraper la perche à l’aveugle que j’étais. je remercie d’ailleurs ce dernier de m’avoir fait la même blague à chaque fin de séance : me serrer la main pour me balancer manu militari dans la froideur du grand bassin.

J’ai grandi au bord de l’océan atlantique. En terme de masse aquatique, on a connu plus rassurant :  des vagues souvent dantesques, des baïnes tueuses et autres craintes populaires qui finissaient de vous mettre en confiance : vives, hydrocution, les mystérieuses lames de fond, les méduses.

Et pourtant j’ai rarement eu peur en plongeant dans les remous et sous les murs d’eau menaçants des vagues. D’une part parce qu’en connaissant quelques règles simples, on arrive à s’en sortir. Et d’autre part, j’étais capable de deviner quand il fallait éviter de se mouiller les pieds et le reste.

En fait, une seule règle prévaut : ne pas paniquer. Et il en faut souvent des moments zen quand on se fait secouer par une bonne chute et qu’on finit sous l’eau en mode machine à laver.  on ne sait plus où se trouve le haut et le bas et chaque seconde semble en paraît 3. Il faut surtout éviter d’ouvrir la bouche trop vite en remontant pour éviter d’avaler la vague suivante, les morceaux d’algues qui trainent ou le pied d’un autre baigneur (ou de se faire scalper par une planche de surf). Boire la tasse des centaines de fois m’a dégouté à vie des huitres.

Mais que ce soit dans une piscine ou dans la mer,  j’ai toujours apprécié d’être sous la surface où les bruits s’étouffent, les bulles d’air remontent comme autant de petites méduses ou voir les vagues se déplier comme un tapis. Par contre dans les landes, ce n’est pas la peine de rêver rochers, jolis poissons et corail. A part du sable et quelques poissons paumés, on est loin du trip de la plongée en pleine mer rouge (hélas hélas, voici bien une grosse frustration)

L’océan c’est à la fois protecteur et d’une puissance dévastatrice sans limite. Mais cette sensation de danger force plus le respect qu’autre chose. On se sent accepté, presque écouté par la mer. Il m’arrive d’être animiste pour certaines choses. J’ai très jeune donné un prénom féminin à la mer pour lui parler : lui demander des vagues, lui offrir mon respect, des trucs qui semblent un peu cucul au premier abord mais qui ont toujours eu une force mystique pour moi, l’affreux matérialiste. Et cette entente franchit les distances. moi qui suit éloigné d’elle, Il reste ce lien indépassable qui me rassure.

Dans une piscine c’est pareil : nager à la surface m’emmerde : on se prend de l’eau dans les yeux, il y a du bruit, de l’agitation. Je préfère le confort du fond de l’eau où je pourrais presque piquer une sieste si je pouvais. J’ai souvent eu l’idée de laisser descendra un tuyau jusqu’au fond pour respirer en continu.  J’avais oublié le côté éprouvant d’une telle respiration

Il faudra un jour que j’essaie un caisson d’immersion pour aller au bout de cette logique de me couper du monde et de mes sens. Juste entendre le son de mon cœur et celui des bulles qui peuvent s’échapper de ma bouche.

Intérieur.

Dans ma vie de tous les jours, j’absorbe mon environnement : j’observe, j’exalte, je m’agite et je suis comme un accumulateur sans filtres. Je finis comme une pile trop chargée. Dans le meilleur des cas, je sublime tout ça en quelque chose de créatif : un dessin, un texte.

Dans le pire des cas, cette énergie se retourne contre moi ou les autres en quelque chose de négatif. C’est très éprouvant pour moi et pour les autres. Et c’est aussi beaucoup de culpabilité car je ne suis pas dans le souci de nuire. En fin de journée, je sature de ce que j’ai lu, entendu, pensé, analysé. cette masse d’informations et de sensations s’échappe comme elle peut.

Mais quand je suis dans l’eau, je suis comme dans le vide : aucune information ne vient me heurter, aucun humain n’est là pour que je m’interroge. Aucune émotion ne m’affecte. C’est dans l’eau que je suis le moins une éponge. Je me sens en paix avec moi même car pas besoin de briller, de prouver quoique ce soit, d’être complexé, de s’affirmer ou d’angoisser.

Sous l’eau, je fuis le monde mais je me fuis moi-même .  Je peux isoler mon mal-être, mes questionnements. je suis vierge de tout et rien ne m’atteint. Je suis juste moi, le moi qui sourit et qui est heureux.

 

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