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Changer d’Economie

Changer d’économie – Nos propositions pour 2012

Les économistes atterrés

LES LIENS QUI LIBERENT EDITIONS


Lire un livre d’Economie me rappelle nécessairement mes études (Maîtrise d’éco). Cela me rappelle aussi combien je suis pas mal rouillé dans ce domaine depuis que mes belles années d’étudiants sont passées de l’autre côté de la moitié de ma vie.

Replonger dans l’économie, c’est me donner l’impression que je n’ai pas fait toutes ces études en vain (mon boulot n’a aucun rapport) et que je peux encore me targuer avec une certaine pédanterie que je suis calé en la matière. Force est d’avouer que c’est loin d’être le cas et j’essaie de sauver les apparences comme je peux à coup de lecture difficilement maîtrisée.

C’est un peu le syndrome “je jette pas mes cours de la fac parce que j’aurais peut-être envie de les relire un jour pour faire comme si j’avais toujours le niveau”. L’ennui c’est que le lendemain de la prise de note, j’avais déjà du mal à me relire. Alors 20 ans après….

On veut toujours se persuader que rien n’est définitif et qu’on pourra à tout moment reprendre ses études.

En ce qui concerne ce livre, il m’a fait rudement plaisir. Pas seulement pour son réquisitoire sévère sur les politiques libérales et leur effet dévastateur sur l’économie et le tissu social. Ca m’a rappelé combien j’ai pu aimer Keynes en tant que théoricien et homme. Cela m’a aussi confirmé que les 30 glorieuses n’ont pas été une exception en tant que modèle de progrès social et que leur arrêt n’a été qu’une récupération par une minorité des richesses mondiales. Mais le plus pernicieux est que cette spoliation s’est faite sous couvert d’une idéologie qui a convaincu le plus grand nombre que la dérégulation, l’actionnariat, la flexibilité et la jungle étaient les seuls moyens d’offrir au plus grand nombre le bonheur. Le plus navrant c’est que ce système se tire lui-même une balle dans le pied avec le résultat que l’on sait.

Si l’aristocratie et le féodalisme ont été éradiqué au 19ème siècle, ce n’est qu’au bénéfice d’une classe dirigeante qui s’est servie des théories économiques pour appuyer son asservissement : main invisible, darwinisme social ne sont que des façades théoriques pour nous faire croire que le marché est une loi naturelle divine. Le remettre en cause, c’est être athée.

Deux guerres mondiales et une crise sont passées par là et la balance de la répartition des richesses s’est rééquilibrée. Le contrat social d’après guerre s’est construit autour d’un état protecteur (welfare state) assurant contre les aléas de la vie. L’entreprise encore bien patriarcale conservait les règles du fordisme : un ouvrier bien payé est un ouvrier qui dépense. L’inflation était là, régulant l’endettement et la croissance assurait le renouvellement du système.

Oui mais voilà, les tentations d’augmenter la part du profit pour un plus petit nombre n’avait pas abandonné certains. La crise pétrolière fut l’occasion de rendre responsable de tous les maux un modèle pas si à bout de souffle que ça : trop d’impôt, trop d’état, trop de régulation, trop d’autonomie. L’école de Chicago avec Milton Friedman fournit tout l’attirail théorique qui lamina les économies dans les années 80. La politique de soutien à la demande fit place à la politique monétaire avec la financiarisation de l’économie (endettement public et privé), la mainmise de l’actionnariat sur la gouvernance des entreprises et un chômage de masse permettant de calmer les ardeurs réformistes.

Ce livre nous parle de tout ça : Comment le néo-libéralisme a mis à bas un modèle social jugé incompétent au profit d’un monde où la financiarisation des institutions a fait perdre toute marge de manoeuvre aux états, aux entreprises et aux acteurs économiques. Dividendes plutôt qu’investissement, Rigueur euthanasique plutôt que relance, baisse d’impôts pour les plus aisés plutôt qu’une solidarité dégressive, Service public moribond mais privatisé, ce ne sont là que les éléments les plus marquants de la faillite d’un système.

Et pourtant, on s’entête à nous vendre plus de libéralisme pour guérir de trop de libéralisme en agitant les chiffons rouges habituels : bureaucratie, inefficacité, dirigisme étatique.

Ce livre, c’est un peut tout ça : le constat d’un échec et les moyens de revenir à une société plus juste, plus égalitaire et surtout moins empruntées dans un idéologie qui s’appuie sur les pires sentiments : cupidité, égoïsme et envie.

Le seul regret que j’aurai dans ce livre, c’est que les solutions apportées si elles sont tentantes semblent déconnectées du contexte mondial. Mais c’est une critique bien mince face à un constat bien juste.

 

 Mise à jour 11/04/2012 : l’adresse du site des économistes atterrés : http://www.atterres.org/