Quand j’étais petit et que je vivais dans une maison qui n’existe plus vraiment maintenant, le jardin était fourni en conifères et autres arbres exotiques. Je me souviens d’un albizia que j’aimais gravir profitant à plein nez de ses fleurs odorantes aussi légères que des plumes. Les chats appréciait aussi le confort de son tronc, se juchant entre deux branches, confortablement installé, profitant de l’ombrage et d’une vue discrète sur l’activité des mets de choix que sont les oiseaux vadrouillant sur le sol.
Dans mes souvenirs il y avait aussi un grand camélia, quelques mimosas et d’autres arbres dont le souvenir s’est effacé totalement de ma mémoire. Sans doute était-il moins majestueux que l’idée que j’en avais, surtout quand on mesure pas plus d’un mètre.
Il y avait aussi un grand Juniperus. Il se peut que cela ne vous dise rien si, comme moi, vous avez toute votre vie forgé un nom sur la base d’une incompréhension linguistique de départ. J’ai toujours appelé ça un Gynipirus, ginipirus, Ginypirus (C’est pour la même raison que je dis Soupalin et pas Sopalin). Vous noterez la particularité qu’on le I et Y à jouer à saute mouton dans le Mot.
La petite photo de l’article conviendra mieux que tout discours. Là encore je m’interroge sur sa taille tellement Il me paraissait immense. Mais à 8 ans, une arrière cour prend les proportions d’un terrain de foot.
Ce conifère a la particularité de s’étendre à ras le sol, lançant ses branches en étoile à l’assaut du jardin. Ma soeur et moi aimions nous y étendre comme sur un hamac végétal. Cette mini canopée sentait bon la résine et et son tanin était agréable. Allongé, on pouvait simplement regarder le ciel, lire ou jouer à quelques jeux déjà certainement influencés par la télé. On pouvait aussi détacher les baies de l’arbre, sorte de petites boules collantes vertes ou marrons et se les envoyer à la tronche.
Mais ce havre de paix ne l’était pas complètement.
Tout d’abord, le feuillage, composé de petites aiguilles, devenait vite inconfortables, vous grattouillant ou vous piquant au moindre mouvement. J’aimais aussi détacher ces feuilles pour les mâchouiller parce que, parce que voilà….
Nous n’étions pas les seuls à apprécier le Juniperus comme lieu de villégiature : son feuillage se couvrait constamment de toiles d’araignées à l’architecture variée. La fine dentelle de l’argiope ou de l’Epeire s’octroyait les espaces aux extrémités des branches tandis que de plus sombres arachnides se cachait au fond du tunnel sombre masqué dans le creux d’un enchevêtrement anarchique.
Mais la partie la plus terrifiante de l’arbre était la noirceur insondable entre le feuillage épais des branches basses et le sol. C’était un tapis épais d’aiguilles séchées qui ouvrait le chemin vers un monde noir,grouillant de multiples bêtes rampantes, de bruissements mystérieux, et autres phantasmes cauchemardesques enfantins. Quand une balle avait le malheur de se glisser là dessous, on devait trouver autant de courage que Frodon pénétrant dans le Mordor.
Je ne sais pas pourquoi j’ai repensé à ça….